Arrivée en Indonésie

Après avoir dit au revoir à Yoricko, qui part pour la Corée du Sud, je m’envole pour l’Indonésie! Je fais une escale à Kuala Lumpur, puis, le 2 mai 2019, j’arrive à Makassar, chef lieu de l’île de Sulawesi. Je vais faire une escale d’une nuit ici, avant de m’enfoncer encore plus dans l’Indonésie profonde. Ma mission est de trouver un centre commercial pour acheter des livres en anglais ainsi que du matériel pour bricoler.

Premier constat, on essaye déjà de m’arnaquer lorsque je souhaite prendre un taxi à l’aéroport (comme dans toutes les villes d’Asie j’ai envie de dire). Ahhh le retour à la réalité après cette parenthèse de tranquillité qu’a été le Japon! Deuxième constat: Je dois être la seule touriste du coin, vu comment les gens me regardent. Troisième constat: Il fait très chaud, mais surtout très, très humide.

Je ne suis pas enchantée d’être dans cette grande ville, qui n’a, selon mes goûts, aucun charme. Je trouve enfin une librairie, et j’achète autant de livres que je peux en transporter. (Merci les copains, pour vos dons! j’utilise votre petite cagnotte à cette occasion). J’achète aussi blocs de papiers cartonnés, crayons de couleurs et petits matos de papeterie. Là, un type vient vers moi pour me demander une selfie: NOOOOOOONNNNN! La malédiction recommence! Je refuse gentiment. (J’apprends de mes erreurs. Tu dis oui à un, puis il y en a quinze qui arrivent.)

Le lendemain, l’aventure continue. Je m’apprête à me rendre sur la petite île de Muna, dans le Sud Est de Sulawesi. Je prends donc un petit avion à hélices. Encore une fois, tout le monde me dévisage. En contrebas, j’observe l’océan, parsemé de petits récifs coralliens magnifiques. A ce moment-là, plein de questions émergent dans ma tête. Où vais-je atterrir? Comment sera la vie sur cette île? J’espère que Tono sera un type bien et que je ne vais pas me retrouver dans un coupe-gorge! Tono, c’est un gar que j’ai rencontré sur Internet via la plateforme “workaway”. C’est chez lui que je m’apprête à vivre trois semaines pour y faire du volontariat.

Ah, le voyage en solitaire, ça peut rendre parano quelques fois. Mais bon, allons-y gaiement, on verra quand on y sera!

La seule chose que je sais de cette île, et bien, c’est qu’elle est très isolée, difficile à atteindre, et complètement dépourvue de tourisme. D’ailleurs, il n’y a presque rien à son sujet sur Internet. C’est simple, le premier article de Google que j’ai trouvé en tapant “Muna Island”, c’est : “Une femme a été retrouvée morte dans le ventre d’un serpent géant” (avec photos à l’appui). Et bien me voilà rassurée!

Arrivée à Muna Island et rencontre avec Tono

Après une heure de vol, j’atterris à Muna. L’aéroport? C’est juste une petite maison!

Là, je rencontre ce fameux Tono, qui m’attend. J’ai directement un bon feeling. C’est un petit gar souriant qui parle un super anglais. J’embarque à l’arrière de son scoot. Mon gros sac et les livres aguillés sous le guidon, nous voilà partis pour un périple de presque deux heures sur des routes défoncées, à travers des villages de maisons de bois sur pilotis. Et bien, pour être paumé, c’est paumé ici!

Au moins, ça nous laisse le temps de faire connaissance. Tono a 27 ans et a terminé ses études de pédagogie à l’université il y a deux ans. Il n’a cependant pas voulu travailler à l’école publique, car il trouve les méthodes désuètes, inefficaces et anti pédagogiques. Du coup, il a créé sa propre école, chez lui, pour enseigner l’anglais aux gamins du village et des villages voisins. Vu son niveau d’anglais, il aurait facilement pu trouver du job n’importe où ailleurs, mais comme il dit: “Je veux enseigner dans mon village, car ma communauté a plus besoin de moi ici que les écoles publiques”. Enfin, il est sans cesse à la recherche de volontaires étrangers pour l’aider à enseigner, car selon lui, leur anglais est bien meilleur que tous les autres profs (et non profs) du coin. Il recherche surtout de nouvelles idées, du partage, des discussions culturelles et apprendre grâce à ses invités internationaux.

Quant à moi, je me retrouve ici car j’avais justement envie de pouvoir contribuer à un projet pédagogique, histoire d’utiliser mes connaissances (bien qu’imparfaites mais connaissances quand même) et ma petite expérience de prof pour donner un coup de main. J’ai aussi envie de partager quelque chose d’authentique – loin du tourisme – pour apprendre de nouvelles choses, connaître de nouvelles personnes et m’enrichir personnellement. C’est aussi un challenge pour moi que de vivre et d’exercer mon métier dans des conditions qui seront certainement bien différentes de ce que je connais.

Tono enseigne à une centaine d’élèves (oui, son école a du succès dans la région). Il y a deux ou trois cours d’une heure trente par jour, et ce tous les jours de la semaine. Les jeunes – de 12 à 17 ans – sont répartis dans des groupes allant de 10 à 30 élèves. Ils viennent chez Tono après l’école, dans l’après-midi ou en fin de journée. Les parents paient une petite somme pour les cours (l’équivalent d’environ 6 CHF par mois).

On papote, on papote, et j’apprends que je suis officiellement la seule ” Bule” (à prononcer “Boulé”, ça veut dire “étrangère”) de l’île, qui compte quand même 30’000 habitants. On arrive dans la maison de Tono alors que la nuit commence à tomber.

Chez Tono – Ma maison pour trois semaines

J’arrive chez Tono, dans ce qui sera ma maison pour trois semaines: cabanon en planches trouées sur pilotis et toit de tôle. Et bien, c’est du très basique. Je découvre ma chambre. C’est juste un compartiment en planches avec une mousse par terre qui me sert de matelas. Le plancher est troué, et si je regarde à travers, j’aperçois juste en dessous les coqs, poules, canards et chiens. Voilà de quoi se sentir entourée!

Il y a l’électricité, juste de quoi s’éclairer et charger un téléphone. Pas d’électroménager, pas de frigo. La cuisine, c’est au feu de bois que ça se passe! Pas d’eau courante, mais l’eau du puits. Concernant la salle de bain, elle est à l’extérieur dans le jardin, et elle sert à trois familles. Quatre murs de briques, un trou et un bidon d’eau pour la douche, c’est simple.

Je rencontre la famille de Tono. Sa maman, toute souriante et qui ne parle pas un mot d’anglais, et Niar, sa nièce de 17 ans. Le reste de la famille habite la maison d’à côté: son frère et sa petite famille, dont Fadila, 6 ans , et Asra, 7 ans, qui me tiendront compagnie de longues heures pendant ce séjour.

Après un bon souper riz blanc, poisson grillé et légumes à l’eau (je ne le sais pas encore mais ce repas sera plus ou moins le même deux fois par jour et pendant trois semaines), je me couche dans mon lit. Le matelas posé par terre est dur comme de la pierre! Heureusement, j’ai gardé dans mon sac mon matelas de camping. (haaaaaa, je sais maintenant que je ne le trimbale pas pour rien!)

Ici, pas de wifi. Je me suis achetée une carte sim avec du data, mais la connection est plus qu’aléatoire. Ça fonctionne au moins pour whatsapp. Enfin, sauf quelques jours plus tard, où le gouvernement aura décidé de couper tous les réseaux sociaux pendant plusieurs jours, pour pas que les gens n’apprennent que les élections ont été truquées… La corruption fait malheureusement partie du décor ici…

Je m’endors, rassurée de ne pas être tombée dans un coupe-gorge mais avec plein d’interrogations.

Réveil très matinal, avec l’appel à la prière diffusé dans les haut-parleurs d’au moins trois mosquées qui entourent la maison. L’Indonésie, c’est le pays musulman qui compte le plus de fidèles! Tono est d’ailleurs un fervent pratiquant, et se rend cinq fois par jour à la mosquée.

Retour au boulot

Ma première journée est bien remplie. On parle pédagogie avec Tono, et j’ai l’impression qu’il a une idée très juste de ce que doit être la pédagogie au jour d’aujourd’hui. Tono me pose plein de questions: “T’en penses quoi si…?” “Tu ferais comment toi…?” Au début, ça me gêne presque qu’il compte autant sur moi. A voir, il a vraiment envie d’apprendre des volontaires qu’il accueille. Je vais essayer d’être à la hauteur de ses attentes!

Je lui pose aussi plein de questions pour connaître le niveau des élèves. Tono a l’air d’avoir tout en tête, quelle mémoire il a! Je passe la matinée à préparer les planifications des leçons du jour. Je me base sur un canevas fait par Tono, qui est similaire à ce que j’ai appris à utiliser. Cependant, Tono n’a pas l’air d’en faire usage très souvent, et encore moins les volontaires qui m’ont précédés. Je me retrouve donc avec presque aucune trace écrite de ce qui a déjà été enseigné aux élèves par les autres bénévoles. La seule chose que je retrouve par hasard, ce sont quelques notes d’un précédent volontaire sur “un cours pour expliquer pourquoi c’est bien de devenir vegan”. (C’est très pertinent d’enseigner ça ici, à des enfants qui, déjà, ne parlent pas assez bien anglais pour comprendre un tel sujet, et qui ne mangent presque que du riz et des légumes car ils sont trop pauvres pour s’acheter autre chose.) …Bon, ben ça commence bien!

14:00. Les élèves arrivent en scooter. Ici, on commence à conduire à 10 ans! hahaha! Je rencontre le premier groupe de jeunes. Ils sont supers souriants et très motivés, ça fait plaisir à voir! Je reprends très vite mes marques et j’enseigne comme à mes propres élèves, et je dois avouer que le boulot m’avait presque manqué! 😉

Après avoir fait l’appel, je me présente. Les élèves me posent plein de questions, puis je commence le cours. Au programme: une sorte de révision pour me faire une idée sur leur niveau. Ils n’arrivent pas encore à faire beaucoup de phrases, mais on voit qu’ils ont vraiment envie de communiquer! Tono est avec moi pour ce premier cours, histoire de traduire deux trois choses en behasa.

Je serai toute seule à enseigner à partir du cours de cet après-midi. Puis, on fait des jeux pour réviser certaines notions comme l’alphabet, les nombres, les membres de la famille, les heures, les dates. Je me rends compte qu’il faudra revoir absolument le verbe être et les verbes réguliers, chose que l’on travaillera ces prochains jours. Le cours dure 1 heure 30 et passe à une vitesse folle! Je reverrai ce même groupe (et chacun des 7 groupes) trois fois par semaine – parfait pour progresser!

On fait plein d’activités ludiques – Tono insiste la-dessus – et ça plait beaucoup aux enfants. On joue au pendu, à Jaques à dit, on fait des vrais ou faux, des jeux de mime…Les élèves adorent! A la fin du cours, certains élèves viennent me demander une selfie. Haaaa c’est surprenant, mais finalement ça deviendra une habitude à la fin de pratiquement chaque journée. Je pense que ma face doit être maintenant sur pas mal de comptes Instagram! Hahaha!

Après cette première journée, je me rends un peu plus compte de ce que je vais pouvoir faire ici, histoire d’être utile sur le long terme. Je crois qu’il y a vraiment quelque chose à améliorer concernant le suivi d’un vrai cursus au fil des semaines et la transition entre chaque volontaire.

Il n’est pas sans dire que j’apprends aussi des milliers choses. Enseigner avec “rien”, c’est un autre métier! Il n’y a en effet presque aucun matériel pédagogique, à part un tableau blanc. Pas de manuel, pas de jeux plastifiés, pas de crayons de couleur, même pas de tables ni de chaises (Tono sacrifie déjà la moitié de sa maison pour sa salle de classe!). Les élèves ont juste un cahier et un stylo. Tono me montre plein d’exemples de jeux qu’il fait régulièrement avec les enfants. C’est vraiment chouette et il n’y a besoin de rien, à part de la motivation! Je vais m’en inspirer, et je récolterai également plein de nouvelles idées tout au long de ce séjour. Vu le succès, je referai ces jeux avec mes élèves en Suisse.

L’avantage de travailler avec rien, c’est que ça pousse à la créativité. Trop souvent, chez nous, on a tendance à se reposer sur notre matériel pédagogique, nos milliers de manuels et de fiches, notre beamer, notre lecteur audio, et ça nous éloigne du côté humain de la profession. Un bon retour aux sources, remettre la relation prof-élèves au centre, c’est important!

Mais c’est vrai que pour apprendre, c’est bien de varier les moyens. Je décide donc de m’atteler à la création de matériel: petites cartes questions-réponses, cartes avec des mots pour créer des phrases, cartes avec des images, le tout plastifié au gros scotch pour faire durer tout ça. Je fais aussi un jeu de l’oie pour exercer les notions d’anglais (trop bien, j’ai du temps pour dessiner, ça faisait longtemps!) ainsi qu’un document “comment enseigner pour les non initiés”, histoire de donner quelques conseils de base aux futurs volontaires

J’organise aussi des panifications pour chaque classe. Enfin, je m’attelle à créer un vrai cursus écrit avec la progression des différents sujets à travailler ou à revoir dans le futur, dans un ordre logique. Ah oui, et j’ai aussi pris beaucoup de plaisir à peindre une grande carte du monde sur une paroi! Enfin bref. Je ne suis pas là pour brasser de l’air. Je suis accueillie chaleureusement ici, nourrie et logée gratuitement pendant trois semaines, la moindre des choses c’est de rendre la pareille à mon échelle.

Cependant, je dis que Tono n’a pas de matériel, mais ce n’est pas totalement vrai. Tono a quelque chose de précieux: une belle bibliothèque! Chaque nouveau livre est soigneusement tamponné, étiqueté, classé, laminé au gros scotch. Tous les livres ont été amenés par les volontaires. Ah, qu’est-ce qu’il en est fier de sa collection! C’est d’ailleurs sa seule possession matérielle. En effet, dans l’entier de la maison, j’ai été surprise de constater à quel point c’est vide. Pas de meuble, pas de bibelot, pas d’objet souvenir. Juste quelques casseroles dans la cuisine, et un matelas posé par terre dans la chambre. Ça fait réfléchir. Mais, finalement, est-ce qu’on a vraiment besoin de tout ça pour vivre? Ce voyage me fait réaliser plein de choses. Cela fait quand même presque 10 mois que je vis seulement avec le contenu de mon sac à dos. Est-ce que ça fait de moi quelqu’un de plus malheureux? Bien au contraire! Le bonheur, c’est pas des fringues ou des bibelots. On a tellement d’objets chez nous! La plupart, on ne les utilise même pas.

Et en parlant de la définition du bonheur, on a plein de chouettes discussions avec Tono. (C’est aussi mon seul interlocuteur qui parle anglais, donc heureusement j’ai envie de dire!) On philosophe sur la vie, les différences culturelles, sur la richesse, la pauvreté. “Je suis le plus heureux”, qu’il me dit souvent.

Ah, le bonheur, cet endroit en regorge! A l’instar de Fadila et Asra, les petites nièces, que j’ai surprises en train de sauter, danser, chanter sous la pluie et dans les gouilles, lors d’une grosse averse tropicale! Ici, il n’y a pas besoin de grand chose pour rendre un enfant heureux. Quelques gouttes d’eau, et le tour est joué! Ce moment m’a beaucoup trop touché.

La cérémonie d’ouverture du Ramadan

A la veille du Ramadan, toute la famille se réunit pour célébrer. Ce soir, c’est “le festin”!

Aujourd’hui, tout le monde met la main à la pâte. La sœur de Tono est venue pour l’occasion. Tono tisse des petites boîtes avec des feuilles de palmier, pour y mettre le riz et le cuire à la vapeur. Il essaye de m’apprendre, mais c’est un échec! Haha c’est beaucoup trop dur pour moi. Je me contente d’aider Niar à remplir les feuilles de bananier avec une autre sorte de riz.

Tono s’en va ensuite un moment et revient avec une poule qu’il va bientôt tuer. C’est le festin de ce soir! A ce propos, cela fait plusieurs jours que Tono me parle de ce poulet. “On va manger du poulet!” qu’il me dit avec le sourire d’un enfant avant Noël. Là encore, ça fait réfléchir. Il faut savoir que dans la majorité des pays du monde, on n’a pas le luxe de manger souvent de la viande. C’est lors des grandes occasions, et quand on en mange, c’est une poule pour 10 personnes!

De plus, ce soir, en dégustant ce poulet, moi, l’Européenne pourrie gâtée que je suis, j’aurai honte de penser secrètement que cette viande est dure comme du caillou…C’est là que je réalise pas mal de choses.

Quand je pense à l’orgie de viande que nous, occidentaux, mangeons tous les jours. On ne se rend pas compte que la vie que nous menons est un privilège que peu de personnes sur Terre peuvent se permettre.

Le soir, un représentant officiel du village finit par arriver vers 21h00. Tono m’appelle: “Viens Mandy! C’est la cérémonie d’ouverture du Ramadan!” Je m’installe vers eux. Ils parlent en behasa, et je ne comprends absolument pas ce qu’il se passe.

Assis par terre sur le tapis, nous voilà tous là: Tono, sa fiancée, la maman et la sœur de Tono, Niar, Fadila et Asra, ainsi que le vieux Monsieur venu bénir officiellement le Ramadan. Je m’attends à un truc hyper solennelle. Il commence à allumer un mini feu dans une coupe, pour faire de la fumée. Mais le feu ne prend pas…Du coup, tout le monde commence…à se fendre la poire! Puis, le vieux Monsieur dit une prière. A ce moment, alors que je m’imaginais qu’il allait régner un silence complet, je vois Tono et sa sœur qui papotent et qui son morts de rire, Niar sur son natel, et la sœur de Tono qui me force presque à prendre une photo. (Ça a l’air austère sur la photo, mais l’ambiance de l’était pas, je peux vous l’assurer!)

Une fois la prière terminée, le vieux Monsieur fait un “check” à tout le monde, le grand sourire aux lèvres, puis il s’en va et c’est l’heure de souper. Finalement, personne ne soupe vraiment, parce qu’on a tous tellement picoré pendant la préparation du repas aujourd’hui, que personne n’a plus vraiment faim. Quel moment incroyable!

Le lendemain, le Ramadan commence! En gros, pendant un mois, il s’agit de jeûner du lever au coucher du soleil. Pas de nourriture, pas de boisson. C’est une sorte de purification.

Moi, par contre, je vais rester impure, car ma famille d’accueil me cuisinera des petits plats rien que pour moi pendant la journée! 😉

Dès le coucher du soleil, il est à nouveau permis de manger. Et là, c’est top, parce que Tono me fait découvrir une petite tradition locale: la banane verte fluo. C’est un dessert que l’on s’offre à la fin de la journée de jeûne pendant le Ramadan. J’ai été très surprise la première fois que Tono m’a amené cette assiette (mais c’est meilleur que ça en a l’air). C’est en fait une banane cuite, enroulée dans une crêpe vert fluo, baignant dans un sirop plein de glaçons, avec des grumeaux de farine sucrée à la noix de coco, le tout saupoudré de cacahuète.

D’ailleurs, un jour, la sœur de Tono m’apprendra à préparer ce fameux dessert. On ne parle pas la même langue elle et moi, mais les gestes suffisent pour communiquer. Les deux, dans la cuisine, on passera un certain temps à préparer une tonne de ce dessert, car Tono veut en offrir à tous ces élèves!

Vadrouille en scooter

Un jour, Tono m’emmène sur son scooter pour me faire découvrir quelques coins de l’île. Il commence par la plage. Directement, je suis choquée par la quantité de plastique! Mon dieu, que faisons-nous à notre planète…Tono me dit qu’il a pour projet futur de faire de la prévention et d’impliquer sa communauté dans ce problème de plastique. C’est vrai qu’en Asie (comme ailleurs), le plastique à usage unique est roi, et il n’y a pas de quoi traiter ces déchets facilement. Les gens ont l’habitude de jeter tout par terre. Après une bonne mousson, les déchets disparaissent dans les rivières et autres canalisations et finiront tous, tôt ou tard, dans l’océan.

Tono me fait découvrir aussi les “lagoons”. Ce sont en fait des minis lacs creusés dans la roche, au beau milieu de la jungle. L’un d’entre eux, le “turtle lagoon”, sert de piscine publique au village. A l’intérieur, je suis étonnée de remarquer qu’il y a deux tortues marines (amenées ici par les hommes… Je ne vous dirais pas ce que j’en pense)…Ici aussi, il y a du plastique partout! Quel dommage dans un si bel endroit.

Un autre jour, je pars visiter le “secret lagoon”, comme le nomme Tono. C’est un endroit que même les locaux ne connaissent pas. Et là, c’est la surprise! Après avoir marché dans la jungle, on finit par arriver en haut d’une magnifique crique. L’eau crystalline est d’un bleu turquoise incroyable! Le lac est incrusté dans la roche, entouré d’une végétation luxuriante et semble complètement inaccessible.

Avec précaution, (vu le nombre de racines, de fourmis rouges énormes et de mille-pattes géants) on descend au pied d’un arbre merveilleux dont les branches redeviennent de nouveaux troncs lorsqu’elles touchent le sol. Il a aussi un immense réseau de racines qui longent la roche jusqu’à l’eau. Ce décor est digne d’un film d’aventure!

Pour accéder au lac, il faut sauter dedans directement, d’environ 3 mètres de haut. Bon, ben je me lance! Et je me retrouve seule dans ce monde féerique. Je nage jusqu’au milieu, et j’écoute le silence, mêlé de chants d’oiseaux et de bruits de gouttes d’eau qui tombent depuis des stalactites. L’eau est d’une limpidité, je n’ai jamais vu ça! Sur le mur de roches en revers, il y a des nids d’hirondelles, et il y a aussi plein de magnifiques papillons; ils sont immenses!

Ici, pas de plastique (endroit secret oblige). Qu’est-ce que j’aime ces lieux préservés (et, sur ce coup, rien que pour moi!) Par contre, pour remonter, il n’y a pas d’échelle dans ce lagon. Il faut escalader en grimpant sur des racines et ne pas avoir peur des araignées et autres gros insectes!

Je reviendrai plusieurs fois ici pendant ce séjour, tellement je trouve cet endroit merveilleux.

Et on s’habitue!

Les jours passent et j’ai bientôt l’impression de faire partie de la famille. Je commence à ne plus remarquer du tout la différence de confort. J’ai renommé tous les geckos de ma chambre “Jérôme”, et je m’habitue (presque) aux bruits constants des animaux de la basse court juste sous mon oreille, des mosquées voisines qui chantent à 4 h du matin pendant une heure, de mes hôtes qui font la nouba à 4 h du matin pour manger avant le lever du soleil et des bruits des scooters sans pot qui passent à raz la maison.

C’est vraiment une expérience hors du temps et hors de l’espace, ce que je suis en train de vivre ici. Je ne parle pas leur langue, mais si je dis juste “Terima Kasih” (merci), il faut voir comment la maman de Tono est contente! Elle me parle souvent en indonésien, tout comme la tante à Tono qui se balade parfois dans la maison. Je ne comprends pas un mot, mais je me contente de sourire (le langage universel). Asra et Fadila, quant à elles, viennent souvent me trouver pour “gambar!” (dessiner), pour lire un livre le soir ou pour jouer. Elles sont vraiment adorables, et elles essaient à fond de parler en anglais. A ce rythme-là, elles seront bientôt bilingues!

J’apprécie aussi la nourriture. Bien que ce ne soit pas très varié (presque tous les jours la même chose, et ce qui n’est pas mangé à midi sera resservi le soir, et ce qui n’est pas servi le soir sera resservi à midi. Pas de frigo ici!), la nourriture est simple, saine et locale. J’apprécie de retrouver le goût des aliments sans sucre ou autres épices ajoutés. Je découvre avec bonheur le “tempeh”, petites barres à base de soja grillées à la poêle. C’est délicieux, sain et végétarien!

Le voisinage est aussi super bienveillant. Tout le monde me sourit, et me lance des “Hello Mister!” quand ils passent devant la maison.

J’apprécie aussi de retrouver une routine, d’avoir mes affaires posées au même endroit. Ça fait du bien, après presque 10 mois sur la route. Ça me fait aussi du bien de me retrouver avec moi-même. Je retrouve cette part d’individualité et de libre-arbitre que l’on perd parfois en voyageant 24h sur 24 avec une autre personne.

Sara

10 jours ont passé, et je suis toute excitée car aujourd’hui, Sara, une volontaire autrichienne, arrive chez Tono! Trop bien, je suis toute contente de retrouver une nouvelle interlocutrice! Je rencontre Sara le 13 mai au soir. Le courant passe tout de suite très bien entre nous, il faut dire que le contexte aide pas mal ;-). Elle deviendra ma nouvelle collègue avec qui préparer les planifications des cours et enseigner, et ma nouvelle amie du fin fond de l’Indonésie! Ensemble, on aura de chouettes discussions, et de chouettes virées en scoot au “secret lagoon”.

Un jour, on décide de cuisiner pour nos hôtes. On se rend alors au marché local. Cet endroit est incroyable: tous ces vendeurs assis par terre, qui vendent poissons, fruits, légumes et plein d’autres choses! On galère à trouver des pâtes, mais on finit par tomber sur la seule échoppe qui en vend. On achète tout le stock! hahaha!

De retour à la maison, on allume le feu de bois. Ce soir, c’est les “Bule” aux fourneaux! Au menu: pâtes à la sauce tomate et aux légumes. On se dit que c’est un repas simple qui conviendra à tout le monde.

OUI MAIS. Ici, personne ne mange de pâtes, hormis pendant les mariages. Si tous les adultes semblent aimer et se resservent plusieurs fois, il faut voir la tronche de Fadila et Asra, une fois qu’elles découvrent le contenu de la casserole: é-poué-rées, les gamines!! C’est simple, elles ne veulent même pas y goûter. Elles réclament alors le repas de tous les jours: du riz blanc et des têtes de poissons grillées. Cette scène est incroyable. Ah, ces différences culturelles, c’est génial! Quand je pense à la réaction que feraient des gamins suisses s’ils devaient manger du riz et des têtes de poissons!

Baptiste et Jeanne

4 jours avant que je parte, Sara et moi sommes rejoints par deux autres volontaires, Baptiste et Jeanne. Ils logeront chez l’oncle de Tono, de l’autre côté de la route. Ils sont bonnards, on passera de chouettes soirées à faire des parties endiablées de “trou du cul”! L’ambiance est chaleureuse, on est comme une petite famille, nous quatre. C’est dingue, comme les liens se créent vite, alors que nous sommes de parfaits inconnus qui se retrouvent à travailler et vivre ensemble à l’autre bout du monde. On met en place une chouette collaboration, pour essayer d’apporter un maximum de positif. Je suis aussi rassurée de pouvoir passer le témoin, en personne, concernant la suite des cours à donner aux élèves.

Au revoir, Muna!

Le 25 mai, je m’en vais comme je suis arrivée, à l’arrière du scoot de Tono. J’ai un petit pincement en quittant cette jolie famille, cet endroit si simple mais si empli de bonheur et mes nouveaux amis co-volontaires. Je n’oublierai jamais cette belle expérience, le sourire de Tono et de toute sa famille ainsi que leur accueil chaleureux.

Ces élèves m’ont aussi beaucoup touchés! Merci Nur, Resti, Rhama, Ningsih, Rima, Yuyun, Maria, Udin, et tous les autres! Ils m’ont accueillie les bras ouverts, ont participé à mes cours avec entrain et bonne humeur, ça serait parfait d’avoir toujours des élèves comme ça! 😉 J’espère qu’ils vont garder cette motivation pour apprendre l’anglais; la clé pour s’ouvrir et apprendre un peu plus sur le monde!

En tout cas, ce petit bout de vie indonésienne que j’ai eu la chance de vivre ici restera à jamais dans ma mémoire.