Le train de nuit en Inde: seulement 11 heures de retard
Vers 18:30, on prend un “Uber” et on se rend à la petite gare d’Agra. En bons suisses, on arrive en avance. Là, on apprend que notre train de nuit – réservé la veille via notre hostel – aura 2h30 de retard. Ce qui est génial, c’est que cette gare est ultra glauque et minuscule, et qu’il n’y a rien, pas un café, pour se poser et attendre. (D’ailleurs le concept “Café” est inconnu dans les régions pas touristiques.)
On s’enfonce alors dans une rue derrière la gare, où on trouve un petit bouiboui. Là, tout le monde nous regarde (comme d’habitude) mais il fait nuit et c’est un peu plus flippant. On boit un coca et on mange des beignets locaux, puis, on retourne à la gare. On attend alors sur le quai, on n’a plus trop d’informations sur le retard du train. Heureusement, Yorick trouve une application qui nous donne une meilleure idée. Enfin, le train finit par arriver! Gros coup de bol, on trouve directement notre wagon, chose qui aurait pu tourner au casse-tête, vu le manque d’informations, la taille gigantesque du train et vu le fait que certaines jonctions entre deux wagons sont bloquées.
On trouve nos couchettes, dans un train déjà rempli de voyageurs endormis. On dort en 2ème classe, dans un compartiment de 4 personnes, séparé du couloir central par un rideau. Ça a l’air assez propre, on a même des draps propres pour recouvrir la banquette. Autant vous dire qu’on est raide, et qu’on se jette au lit. Le trajet est censé durer 14 heures, et on est censé arriver à Varanasi, notre ville de destination, à 10h30 du matin. Mais voilà, le lendemain matin, on se rend compte que le train a pris encore plus de retard. En fait, il en prend à chaque arrêt!
En tout cas, le trajet est assez confortable, et on ne se sent pas en danger comme lors de notre dernier trajet de bus de nuit. Ça ne tangue pas trop, c’est même assez berçant, ce mouvement du train qui avance! L’ambiance est relativement calme, hormis cet indien qui regarde des clips Bollywood à plein volume à 6h00 du matin, et hormis cet autre indien qui s’assied sur le lit de Yorick sans gêne, en attendant de pouvoir utiliser notre chargeur, sans demander l’autorisation…(Cette culture est décidément bien différente!)
Le seul hic, c’est qu’on pensait arriver le matin à Varanasi. Du coup, nous n’avions pas prévu d’eau ou de nourriture pour le trajet…Le temps passe, il est midi, on crève de soif et de faim! On tente alors une mission-approvisionnement lorsque le train s’arrête à une gare. Cependant, vu qu’il ne s’arrête parfois que 1 minute (on ne sait jamais à l’avance) on se voit forcé, à deux reprises, d’abandonner la mission, de courir derrière le wagon en marche, et de sauter dans le train qui accélère! (Comme dans les films.) Heureusement, dans un élan d’espoir, on finit par entendre un vendeur ambulant qui avance dans les couloirs: du chai! Nous voilà sauvés. On en prend CINQ direct. Puis, arrive un vendeur de nourriture. On achète un délicieux riz biriany. Enfin, vient un vendeur d’eau. Parfait.
Finalement, le train arrivera à destination à…22h00! Il n’a eu que…11 heures de retard! (Et nous qui nous plaignons quand le train à 10 minutes de retard en Suisse…) Ahhhhh l’Inde, c’est merveilleux! Je crois qu’il faut juste prendre les choses à la rigolade et ne pas s’énerver, si non on devient fou dans ce pays!
En arrivant à la gare, il fait nuit. On trouve un tuk-tuk, après moult négociations et après s’être fait entouré par un cercle d’une vingtaine de curieux, qui se sont rassemblés soudainement autour de nous pour nous observer et nous demander des selfies. Le tuk-tuk, comme d’habitude, conduit comme un taré. Il n’y a pas vraiment de règles de circulation ici. C’est celui qui klaxonne le plus fort qui passe en premier. En tant qu’occidental, il faut juste éviter de trop regarder la route…les dépassements dangereux et les frôlements de voitures à contre-sens, de vaches, de chiens et de piétons font froid dans le dos. Bref. Toujours pas d’accident, à voir c’est un “bordel organisé”.
Varanasi – une ville à part
Après une nuit reposante et un riz pour le petit déj, on se lance dans la découverte de Varanasi en se promenant le long des ghats au bord du Gange. Les ghats, se sont les quais en escaliers qui parcourent toute la rive du fleuve à Varanasi. Ce fleuve est sacré pour les Hindous. Selon les croyances, se baigner dedans a une action purificatrice sur ses péchés, et y disperser les cendres des morts permet de libérer leurs âmes et ainsi briser le cycle des réincarnations. Ainsi, l’âme du défunt peut aller directement au paradis. Aussi, selon la tradition, la source du Gange se trouve dans les cheveux du Dieu Shiva.
Pour toutes ces raisons, Varanasi et son fleuve sont sacrés pour les Hindous, et tous viennent y faire des pèlerinages.
Se balader sur les ghats, c’est donc l’occasion pour nous de découvrir la forte spiritualité liée à ce lieu et à cette culture, ainsi que d’assister à des scènes juste incroyables du quotidien des gens. Au fur et à mesure que l’on marche, on observe des choses qui dépassent totalement tout ce qu’on a pu imaginer!
Déjà, plantons le décor. Aujourd’hui, l’atmosphère est chargée de particules, ce qui donne un horizon dissous dans une brume pastelle. C’est assez calme et paisible. On observe sur les murs de briques ocres beaucoup d’œuvres artistiques représentant des scènes religieuses et des dieux, mais aussi des œuvres d’art plus modernes.
Des mendiants dorment sur les marches d’escalier, et des vieux religieux (sadhous) nous demandent une petite pièce. Dans l’eau, des pèlerins se baignent ou envoient des offrandes sous forme de petits paniers flottants, garnis de fleurs et illuminés de bougies. Alors que des personnes pêchent ou font la lessive dans le fleuve, des chiens errants font la loi dans leurs gang canin sur la rive. Un buffle boulotte un pantalon en train de sécher alors que des vaches se prélassent à même le sol. Il y a aussi des singes voleurs qui sautent partout, et des bébés chiens par dizaine qui font la sieste. On croise aussi une chèvre avec un pull. (Oui oui, un pull.)
A ces scènes incroyables s’ajoutent des vendeurs de fleurs ou de chai, des passants qui nous demandent des selfies, des enfants qui font voler des cerfs-volants dans le ciel, des couples qui se marient et des bricoleurs qui réparent leur barque en bois. On croise aussi un groupe d’étudiants en Art, calepin à la main, qui dessinent ces scènes incroyables. Au milieu de tout ça, on finit par apercevoir de la fumée au loin. C’est alors que nous traversons les “burning ghats”…
Les burning ghats
Ici, on voit d’abord, sur la rive, des dizaines de tas de bois qui sont en feu. Sur chacun de ces bûchers, il y a un corps humain en train de brûler. Les burning ghats sont les endroits où se font les crémations en plein air. Tout autour de la scène, il y a des dizaines d’indiens, assis sur les marches, qui observent, discutent. Personne ne montre de la tristesse.
C’est difficile d’expliquer ce que nous ressentons à ce moment-là. La fumée et les odeurs sont très fortes, et ces visions de corps qui brûlent sont déconcertantes…On voit alors un nouveau cadavre qui arrive, emballé dans un tissu orange, porté sur un brancard en bambou. Le corps est ensuite baigné dans le fleuve avant d’être installé sur un bûcher. Un homme s’occupe ensuite d’y mettre le feu.
Heureusement, un local vient alors vers Yorick et moi et, d’une manière très naturelle, nous explique ce qu’il se passe. (Merci à lui, parce que, franchement, on se sentait un peu seul, là au milieu avec nos interrogations.)
Pour les Hindous, c’est un honneur de mourir dans cette ville sacrée. La crémation permet de purifier le défunt de ses péchés. Puis, ses restes sont jetés dans le Gange afin de libérer son âme. Notre guide improvisé nous explique que lorsque le défunt est une femme enceinte, un bébé ou un lépreux, le corps n’est pas incinéré mais directement jeté dans le fleuve car ce dernier a déjà été purifié. Il nous dit aussi que les femmes n’assistent pas aux crémations car elles ont plus de risque de pleurer, et cela empêcherait l’âme du défunt d’être libérée. On apprend enfin que les employés qui s’occupent de faire brûler les corps sont des intouchables payés par les familles. En effet, seules les personnes hors castes peuvent faire ce travail considéré comme impur.
Derrière nous, côté ville, il y a une grande cheminée d’où sort une épaisse fumée noire. Ce sont des crématoriums industriels. Ils servent à incinérer les corps dont les familles sont trop pauvres pour payer le bois et la crémation traditionnelle. D’ailleurs, du bois, il y en a des tas qui semblent toucher le ciel ici! On apprend que plusieurs centaines de corps sont brûlés ici, chaque jour, et que les feux brûlent jour et nuit.
Enfin, d’une manière solennelle et très spirituelle, notre guide improvisé finit par nous dire :” Come to my shop, it’s veRy cheap!” Ahhh ces Indiens, ils ne changeront jamais!
Assister à ces scènes est pour nous un véritable choc culturel. Le rapport à la mort dans cette culture est bien différent. La mort est ici une célébration, une libération, ce n’est pas quelque chose de triste et taboue comme chez nous. A voir, c’est parfaitement normal d’observer ces crémations à ciel ouvert. C’est si normal qu’à côté des burning ghats, la vie continue, les enfants font voler des cerfs-volants, les fidèles se baignent, les canards s’envolent et de la musique techno résonne juste à côté. C’est complètement dingue! On comprend mieux le “Incredible India”. Merci ce voyage de nous enrichir autant, merci l’Inde de nous chambouler ainsi!
PS: et enfin, sur une note plus légère, je conclurai en disant que je ne mangerai plus jamais des grillades de la même manière. #onpeutriredetout
Incredible Varanasi
On passe plus d’une semaine dans cette ville complètement dingue. Chaque jour, on se balade dans les rues. Celles de la vieille ville sont tellement étroites qu’il est difficile de croiser deux personnes. (Et pourtant, on y croise des buffles et des scooters).
Dans un bouiboui appelé “le blue Lassi”, on goûte au Lassi, véritable institution en Inde! Il s’agit de yogourt sucré. On s’assied alors dans le mini restau, et on mange notre Lassi aromatisé à la banane, noix de coco et pomme dans un pot en terre cuite en observant le cortège d’un corps emmené vers la rive par la famille du défunt. (Oui, cette phrase est bizarre, mais c’est Varanasi.)
Un soir, on assiste aussi à un incroyable concert de musique traditionnelle, jouée par une cithare et un tabla (percussion). C’est très planant, et ça embaume l’atmosphère d’une sorte de spiritualité étrange.
Un autre soir, nous assistons à la cérémonie du puja, qui a lieu au bord du Gange tous les soirs, et qui rassemble des milliers de personnes!
On loge dans une chambre pas trop mal. D’ailleurs, un soir, alors que je me reposais sur mon lit, je vois deux petites oreilles à 20 cm de ma tête. C’est une souris, qui chill sur le matelas! Et bah…je décide d’en toucher un mot au responsable de l’hôtel. Sa réponse? “Ah oui, c’est normal, les souris sont sacrées ici”…
Sur le roof top de l’hostel, on assiste à l’ envolée des cerfs-volants au coucher du soleil, avec une vue magique sur le Gange. On observe aussi des scènes bien marrantes: des types qui chassent les singes à coups de pierres, ou encore des dresseurs de pigeons qui tentent de faire atterrir un groupe de volatiles en faisant tournoyer un poids au bout d’une corde.
L’école des rues de Somit
A plusieurs reprises, je passe quelques heures en fin de journée dans la guest house de Somit, un indien qui reverse ses bénéfices dans une petite école du soir pour les enfants du quartier. En effet, la plupart ne va pas à l’école. C’est trop cher et ils travaillent la journée avec leurs parents. De ce fait, Somit a mis sur pied une école gratuite, et des dizaines d’enfants y viennent spontanément chaque jour. La petite salle de classe se situe au rez-de-chaussée de la guest house. Une dame s’improvise enseignante, et m’accueille pour l’assister. En tant qu’enseignante moi-même, je trouve ses cours complètement anarchiques – d’ailleurs la “prof” n’en plante pas une – mais je sais bien qu’ils font avec ce qu’ils ont…
Ce qui me frappe, c’est le plaisir que ces gamins ont de venir ici! Un soir, je suis bouleversée en voyant à quel point ces enfants ont envie d’apprendre. Ils me submergent tous de cahiers pour que je leur inscrive des calculs à résoudre. Quelle injustice il y a dans ce monde, de priver d’école des enfants si motivés! J’avoue que ce soir-là, j’ai mal à l’âme et j’en veux au monde d’être si inégal…
C’est là que l’on trouve le projet de Somit exemplaire! Son association est complètement informelle, d’ailleurs son école est clandestine. En effet, en Inde, pour pouvoir officiellement recevoir des dons de l’étranger, il y a énormément de frais supplémentaires pouvant aller jusqu’à des milliers de CHF. Pour éviter cela, Somit utilise l’argent versé sur son compte “guest house” pour financer son école.
Touchés par le projet, Yorick et moi partons un jour faire du shopping en utilisant notre cagnotte “donations” (merci à nos potes et famille pour la participation). Somit nous dit que les enfants ont besoin de cahiers et de…chaussures! Il nous conseille de nous rendre à Dal mandi, un marché énorme, local, avec des prix locaux. On y trouve TOUT! Et d’ailleurs, il n’y a jamais eu de touristes ici. Les vendeurs n’essaient même pas de nous arnaquer. On remettra nos achats à Somit (même si c’est pas grand chose, mais on essaye d’aider à notre échelle…) Cliquez ici pour accéder au site Internet de l’école de Somit.
Derniers jours en Inde
Après 35 jours dans ce pays, il est temps pour nous de poursuivre notre voyage. L’heure est au bilan. Une chose est certaine, ce pays nous aura marqué! Marqué dans tous les sens du terme, en positif comme en négatif.
On a adoré la beauté de l’architecture, la richesse de l’Histoire, notre magique expérience dans le désert du Thar, la gastronomie (mais moins la gastro tout court), le côté surprenant et comique, il faut le dire, des Indiens, la découverte des rites et coutumes très forts liés à une religion omniprésente, avoir le souffle coupé devant tant de scènes inimaginables, les jolies rencontres humaines et animales, l’authenticité des lieux et des gens et le choc culturel que, jusqu’à présent, seul ce pays nous a procuré.
Mais le choc des cultures amène aussi son lot de désagréments: le boucan constant des klaxons à s’en faire exploser le cerveau, les chauffards en deux roues qui nous frôlent voire nous touchent avec leur guidon, la foule constante et oppressante, les regards insistants toujours braqués sur nous, les rues sales, pleines d’excréments de vaches, de chiens et d’urine humaine, les odeurs qui donnent la nausée, le climat très conservateur et parfois oppressant qui règne ici, et certains comportements “sans gênes” des Indiens…
Il y a aussi cette misère humaine et animale qui est omniprésente dans ce pays. En tout cas, L’Inde ne peut laisser personne indifférent et on ne regrettera jamais d’être passé par ce pays, tant nous avons vécu des expériences formatrices et troublantes. L’Inde, un jour on l’aime, le lendemain on la déteste.
Ah ah ils t’ont menti Mandy c’est pas les souris qui sont sacrée c’est les rats…copains fidèle de Ganesh. Oui de l’Inde on ne revient pas indemne. Marqué à jamais. Bisous and enjoy your trip
Hahha les margoulins! C’était juste pour qu’on accepte de partager la chambre avec elle 😉